
La star est « fascinante », aux côtés d’une Gwyneth Paltrow « impeccable », dans ce film « déjanté » qui raconte l’histoire d’un jeune homme prêt à arnaquer et voler pour devenir champion de tennis de table.
Bien au-delà de ses personnages à l’écran, Timothée Chalamet est l’un des acteurs les plus performatifs du moment, surtout lorsqu’il fait la promotion d’un film. Pour Marty Supreme, dans lequel il incarne un aspirant champion de ping-pong en 1952, il a déjà joué une version de lui-même pleine d’égocentrisme dans une vidéo parodiant une réunion marketing, et s’est présenté dans une boutique éphémère vendant des produits dérivés du film, accompagné d’hommes affublés d’immenses balles de ping-pong orange sur la tête. Ces scénarios « Timmy » peuvent être délicieusement méta… ou franchement agaçants. Avec un acteur moins doué, cette excentricité pourrait déborder sur le film. Mais l’interprétation de Chalamet dans le rôle de Marty Mauser est si captivante que l’on oublie aisément ses facéties hors-écran. Et si l’an dernier sa performance en Bob Dylan dans A Complete Unknown dépassait la qualité du film, Marty Supreme, lui, est aussi frais, drôle et exaltant que son héros. Supporter une avalanche de produits dérivés et de têtes oranges en vaut la peine.
Le charme de Chalamet et l’esprit du film sont saisissants, même lorsque Marty se comporte au pire de lui-même.
Le film est rempli de détours inattendus. Il semble d’abord être un film de sport, mais raconte en réalité à quel point Marty est un véritable raté. Il travaille dans la cordonnerie de son oncle dans le Lower East Side à New York, mais ne laisse rien l’empêcher de participer à des tournois internationaux de tennis de table. Il escroque, ment et vole tout le monde — y compris ses proches — pour financer ses compétitions. Et ce n’est pas un « vaurien attachant », mais un type arrogant et sûr de lui. Loin d’être glamour, il est maigre, doté d’une fine moustache et d’une peau marquée. Le plus surprenant est que le charisme de Chalamet, la témérité du personnage et l’humour du film restent irrésistibles même quand Marty agit de la pire manière.
Le réalisateur Josh Safdie, également coscénariste avec son collaborateur Ronald Bronstein, s’inspire librement de la vie du champion réel Marty Reisman. Safdie est surtout connu pour des films âpres comme Uncut Gems (2019). Si Uncut Gems était une comédie déjantée plutôt qu’un drame poisseux, ce serait Marty Supreme. On y retrouve la même énergie frénétique et un monde visuel très texturé. Safdie nous plonge dans le quartier populaire de Marty : petites boutiques, immeubles qui auraient besoin d’un coup de peinture, voisins qui connaissent tout le monde.
Marty vient de cet univers mais ses ambitions le distinguent. Quand il dit « J’arrête la caféine », c’est un choix avisé pour quelqu’un déjà hyperactif, dont les gestes et la parole s’emballent. Dans l’arrière-boutique, il a une relation éclair avec son amie Rachel, pourtant mariée à un autre. Odessa A’zion est brillante et drôle dans le rôle, surtout lorsque l’on découvre que Rachel est aussi calculatrice que Marty, une partenaire idéale pour ses magouilles.
Peu après, Marty braque un collègue qui referme le coffre de son oncle — une scène jouée sur le mode comique, la victime sachant très bien que Marty est un escroc, pas un tueur — et s’empare d’un argent qu’il estime lui être dû. Il file à un tournoi au Royaume-Uni et réussit à s’incruster dans un hôtel cinq étoiles, où Kay Stone, une ancienne star de cinéma incarnée avec une élégance impeccable par Gwyneth Paltrow, apparaît telle une Grace Kelly moderne. Marty l’appelle au culot pour la rencontrer. Avec une lueur dans les yeux, Paltrow montre que Kay n’est pas dupe, mais intriguée.
Safdie a un réel talent pour diriger les acteurs, et des choix de casting atypiques s’intègrent parfaitement à Chalamet et Paltrow. Kevin O’Leary, le gourou financier de Shark Tank, joue le mari tyrannique de Kay. Tyler Okonma, alias Tyler, the Creator, est plein d’énergie dans le rôle de Wally, complice de Marty dans ses arnaques au ping-pong. Le réalisateur Abel Ferrara joue un voyou.
Bien sûr, il y a du ping-pong. Chalamet, qui se serait entraîné des années, bondit comme un athlète. L’adversaire le plus redoutable de Marty est un champion japonais nommé Endo, un duel particulièrement symbolique dans l’après-Seconde Guerre mondiale. Mais ces scènes restent centrées sur le personnage : showman invétéré, Marty hurle quand il gagne un point, et cogne le mur lorsqu’il en perd un.
Le film devient progressivement aussi frénétique et hyperactif que son protagoniste, accumulant volontairement les péripéties délirantes — coups de feu, plafond qui s’effondre. Et cela fonctionne presque tout le temps. Un défaut toutefois : il dure véritablement deux heures et demie. Certaines séquences sont amusantes — notamment un long montage des voyages de Marty, où il affronte même un phoque dressé — mais ressemblent à des digressions indulgentes.
Et la fin s’enfonce, inexplicablement, dans les clichés les plus éculés du film sportif, avec non pas un, mais deux matchs décisifs où l’on suit le score à coups de regards appuyés. S’ensuit un dénouement sentimental convenu. Un film aussi audacieux et original méritait une conclusion plus inventive. Mais Marty Supreme a tellement d’ampleur, d’ambition et d’humour que ses défauts — comme les excentricités de Timmy hors écran — sont faciles à pardonner.











